Ted Lasso (saison 3) - La belle équipe

Placide Boucan
3 min ⋅ 07/06/2023

Avant toute chose, bottons immédiatement en touche les fâcheux avec lesquels, d'une manière ou d'une autre, nous serons globalement d'accord. Oui, cette saison trois de Ted Lasso ne fut pas la meilleure. Oui, elle proposa souvent des arcs narratifs maladroits ou dispensables, lorsque ce ne fut pas les deux à la fois. Oui, certains épisodes - de fait- furent trop longs et, peut-être, je dis bien peut-être que le format court, celui-là même qui fit le charme de la comédie développée par Jason Sudeikis, Brendan Hunt, Joe Kelly et le légendaire Bill Laurence, était sans doute celui qui seyait le mieux à cette fiction atypique à bien des égards. Qui n'avait nulle autre prétention que sa modestie et l'amour de ses personnages. Car, à bien y regarder par le bout de la lorgnette, surtout au terme d'une semaine qui aura vu défiler les series finale de Succession et de Barry, deux séries d'une intensité terrible autour de protagonistes déviants et détruits de toutes parts, le (très probable et potentiel) dernier épisode de la série phare d'Apple est à la fois une conclusion satisfaisante d'une série qui, ouiiiiiiiii, aura été inégale tout en incarnant le total contrepied d'une mouvance fictionnelle (donc d'une époque) amourachée d'anti-héros. Comprendre par cette longue introduction que le plus gros défaut de cette saison de Ted Lasso réside sans doute dans son trop plein de générosité et d'envie de bien faire.

Quand bien même. Quand bien même il est toujours de bon ton de faire la fine bouche, de coucher par écrit la déception que ces derniers épisodes laissèrent poindre, ne boudons surtout pas notre plaisir à l'instar de ce que l'on a pu lire ci et là un peu partout dans la presse tant cette saison trois a eu son lot de (très) bons moments. Il suffit pour cela -presque- de s'en tenir à Sunflowers (3X06), merveille de délicatesse hors de l'AFC Richmond pour une virée folle, et follement chouette, sur Amsterdam. Plus d'une heure d'expédition joyeuse qui choya chacun des protagonistes dans le sens du poil d'une narration qui donnait l'illusion de faire du surplace. Pour, finalement, faire la synthèse d'un démarrage certes à la peine mais, également, d'une fiction qui aura admirablement tenu son rang sur la durée. On ne va pas revenir sur l'unicité de chacun de ces scènes pour lesquelles, évidemment, on guettait chaque mercredi l'arrivée du nouvel épisode. Ce que l'on tentera de formuler, c'est à quel point les scénaristes ont savamment, généreusement, réussi (en dépit de ce que pourra clamer une critique ingrate) leur plaidoyer sur la nécessité du collectif. A une époque où tout un chacun clame à tort le contraire. Cela pourra paraitre d'un affligeant banal mais Ted Lasso n'a jamais raconté rien d'autre que, précisément, cela: les gens ont besoin des gens. Pour tout. 


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A ses débuts, Ted Lasso marchait sur un ressort dramatique simple: on prend un individu faussement ingénu, résolument optimiste, définitivement humaniste, et on en fait le moteur, l'étincelle d'un ensemble show comme les autres dans lequel les personnalités fleurissent merveilleusement. Ce qui a probablement déconcerté certaines plumes face à cette saison trois fut que, justement, la force motrice du personnage de Ted était bloquée dans un doute existentiel tangible. Légitime: dois-je rester ou dois-je rentrer à la maison ? Mais où se trouve-t-elle donc ma maison, moi qui suis désormais divorcé et plus ou moins apatride ? D'où un héros hagard, errant dans les couloirs du club sans sa bonhommie légendaire et en tentant de se raccrocher encore à quelque chose de concret le sommant de rester en Angleterre. D'où un héros, finalement, en retrait de sa propre série. Mais, finalement (bis), en ayant accompli quelque chose d'inestimable: réussir à faire la différence tout en changeant une dynamique de groupe qui ne pouvait aller ailleurs que dans le mur. Alors, oui, on pourra prétexter que le tout n'est absolument pas réaliste, a fortiori dans le milieu du sport. Que les scénaristes abusent d'un sentimentalisme utopique bon teint et que le tout finit dans une caricature du vivre ensemble grossièrement fleur bleue. On pourra. 

On pourra rétorquer que la série a eu le cran de proposer un souffle nouveau que le sempiternel air pestilentiel de son temps. Que cela a fonctionné. Souvent, et, ce, de façon surprenante: qui n'a pas versé sa larme durant l'entièreté de la série me fasse la première passe de ballon en pleine poire. On ajoutera la maitrise du foreshadowing comme rarement une série peut s'en targuer, plaçant patiemment, subtilement, par détails dans les recoins de plans et de scènes toute un somme d'indices sur l'évolution psychologique et spirituelle des personnages (dont ceux de Nate, Trent Crimm, Jaimie Tartt ou Roy Kent feraient cas d'école dans n'importe laquelle des writer's room). En y apposant un vernis de lumière et de bonté qui pouvait aveugler les plus cyniques, Ted Lasso a démontré ses forces dans un récit collégial qui, de manière générale, n'a que très rarement failli. Sa conclusion est à son image: réussie, cohérente,  bienveillante, imparfaite dans sa volonté de parfaire, mais aspirant à être tout aussi meilleure que ses protagonistes. 


Ted Lasso ( saison 3, USA, Apple TV+). Série diffusée du 15 mars au 31 mai 2023.

Disponible sur Apple TV+ et mycanal. 

Le site officiel de la série

Placide Boucan

Par Jeoffroy Vincent

Calembouriste ostentatoire, hobbit culturel arborant désormais des cheveux gris (plus sels que poivre d’ailleurs), j’ai fait des études de lettre dans le seul but de devenir skateur professionnel après avoir dévoré la trilogie Retour vers le futur. On a pu me lire dans FrancofansLe Monde des sériesDes séries et des hommes ainsi que sur les innombrables blogs que j’ai ouvert selon mes humeurs. Je mange six fois par jours, j’aime le sucre en dehors de mon café et le mot “clafoutis”.

Autrement, et vous l’aurez compris, j’écris, dans mon coin et surtout pour les autres, depuis que je peux épeler orthographe sans me tromper.

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